Persuasion, implication, engagement : l’Histoire du storytelling dans la pub

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Storytelling, récit, narration… Ces termes, originellement associés au monde de la littérature, s’invitent de plus en plus dans celui de la publicité, et s’il est assez clair de définir ce qu’est un storytelling ou un récit dans le genre littéraire, il n’en est pas tout à fait de même dans le cadre de l’entreprise.

Pourtant, le “storytelling”, ou le fait de raconter une histoire, n’a pas toujours été le passage obligé pour créer une marque solide et pérenne. La publicité a connu plusieurs périodes : persuasion, implication, disruption et enfin engagement.

The end of War : Nous sommes en 1950.

La seconde guerre mondiale est terminée, un nouveau modèle de société est à inventer. La révolution industrielle a considérablement urbanisé les villes, augmenté le pouvoir d’achat et élargi l’offre commerciale. C’est le début des Trente Glorieuses. C’est durant cette période de forte croissance économique des pays développés, entre 1950 et 1980, que naissent les grands magasins et la grande distribution. 

Le premier supermarché en France ouvre ses portes en 1957, et Carrefour ouvre son premier hypermarché en 1963. Aux Etats-Unis, les grandes enseignes de luxe telles que Macy’s ou Saks existent depuis la fin du 19ème siècle, mais connaissent un véritable essor durant les Trente Glorieuses.

C’est donc le début de la consommation de masse. Les marques se multiplient, les produits se lancent à foison, et il faut donc convaincre un public qui découvre enfin ce que signifie “avoir le choix”. 

Entre 1950 et 1970, il faut donc convaincre. C’est l’ère de la persuasion. L’atout majeur des marques reste, à cette époque, le prix et la qualité. En effet, malgré une période de richesse, la population reste affectée par une succession de guerres et de famine, qui marquent les esprits. La publicité s’oriente donc principalement vers une démonstration du rapport qualité/prix. C’est le principe du “Unique Selling Talent” ou “Unique Selling Proposition” : axer la publicité sur une promesse : celle d’avoir un produit de qualité à un prix raisonnable.

(Source : Persée)

La publicité vantant les qualité des chemises de la marque Hathaway est un bel exemple d’argument de persuasion. Imaginée par David Ogilvy (souvent reconnu comme le père de la publicité d’après-guerre), elle met en valeur le produit à travers une mise en scène élégante, et un texte décrivant les particularités de cette chemise face à la concurrence. En fin d’argumentaire, son prix est affiché.

Mouvement hippie, disco, révolution… Bienvenue en 1970.

L’euphorie de l’après-guerre a laissé place à un vent de liberté et de révolution. On s’affranchit du matérialisme, on cherche de l’originalité et de la convivialité. Dans la publicité, le temps n’est plus à la persuasion, mais à l’implication. Il ne faut plus convaincre par le prix, mais par les valeurs que prônent la marque. On peut donc aisément dater les prémices du storytelling de marque au début des années 70. En effet, de plus en plus d’entreprises axent leur publicité sur la marque, et non le produit. L’idée, c’est de créer une appartenance à la marque, plus qu’au produit acheté, dans le but d’augmenter la fidélité du public, qui se sentira attaché à la marque et ne voudra plus s’en séparer.

Pour créer cet appartenance, il est donc indispensable de mettre en place un territoire de marque.

(Source : INA)

En 1971, la banque française BNP, sous la direction de l’agence de pub Publicis, crée un séisme en lançant sa campagne de communication “votre argent m’intéresse”. A contre-courant de la publicité lissée des banques misant sur l’accueil au guichet et les services rendus, BNP décide d’établir son territoire de marque : la franchise, en brisant le tabou de l’argent. En devenant client chez BNP, vous vous associez donc aux valeurs d’anti-conformisme de la marque.

Dystopie et science-fiction : 1980-2000, l’ère de la disruption

Après une longue période de matraquage publicitaire et de guerres de territoire de marque, une lassitude se fait sentir. Le public connait bien les valeurs de chaque marque, la publicité ne l’impressionne plus. Il est temps pour les entreprises d’innover. De plus, au-delà d’une lassitude, c’est une méfiance et un désamour de la publicité qui émerge, appuyé par les auteurs/autrices et militants qui dénoncent la manipulation opérée par les agences de publicité.

C’est en effet en 1999 que sort No Logo, le pamphlet de Naomi Klein contre l’industrie publicitaire. Les techniques de persuasion des marques sont dévoilées au grand jour, et la confiance ne règne plus.

Qu’à cela ne tienne, il faut donc recréer cette confiance. Comment ? En jouant la carte du sauveur. Les marques ne sont pas contre nous, elle se bat à nos côtés, contre les diktats, les normes et les injonctions.

Exemple plus qu’évident mais indispensable : la fameuse pub “1984” d’Apple, réalisée par Ridley Scott. Reprenant la thématique de 1984, le roman dystopique de Georges Orwell, Apple se place en sauveur d’une population aliénée et lobotomisée par l’autorité. Son ordinateur, Macintosh, va les libérer de cette prison mentale.

De plus, les marques tentent de faire diversion face à leurs méfaits. Nike et Diesel, par exemple, sont épinglées pour leurs méthodes de fabrication plus que douteuses, notamment dans les pays asiatiques où il n’est pas rare de trouver des enfants dans leurs usines de fabrication.

Si Nike décide de faire appel à des personnalités prestigieuses et populaires pour se défendre et redorer son blason (Michael Jordan reste l’ambassadeur de la marque par excellence), Diesel arrête de parler d’elle, et enjoint son public à “être stupide”, à faire ses propres erreurs, et à les assumer.

“Les gens intelligents ont le cerveau, mais les gens stupides ont des couilles”. La campagne “Be stupid” de Diesel nous invite à faire des erreurs, à moins réfléchir et à plutôt agir.

Quand le public FAIT la pub : 2000, ère de l’engagement et de la communauté

Inutile de préciser que nous sommes dans l’ère du digital. Tout se numérise : le travail, la culture, y compris les interactions sociales. La publicité n’y coupe pas, et internet devient le champ de bataille des marques pour étendre leur territoire mais cette fois, à quelques différences près.

En effet, Internet chamboule le rapport entre les marques et son public. Pourquoi ?

Premièrement, Internet permet un accès facilité et généralisé à l’information. Besoin de comparer deux produits ? D’en connaître les spécificités techniques ? Plus besoin de se référer à la marque pour le savoir, Internet s’en charge. Fort de ce nouveau pouvoir, les clients deviennent plus pointilleux et plus critique dans leur acte d’achat.

Deuxièmement, avec l’arrivée des réseaux sociaux, le terrain publicitaire s’est déplacé. De l’emplacement physique (affiches publicitaires, street marketing), aux espaces publicitaires sur les sites internets, la publicité se fait maintenant sur Instagram, Twitter, Facebook ou TikTok. La particularité de ces réseaux sociaux est qu’ils mélangent à la fois contenus de marque et contenus du public. Il est donc nécessaire de créer un pont entre ces deux types de contenu.

Cette nouvelle donne fait donc entrer la publicité dans l’ère de l’engagement et de la discussion. Désormais, il faut créer de la proximité avec le public en s’adressant directement à lui, par le biais de posts sur les réseaux sociaux, d’échanges sur une thématique, ou simplement en publiant des contenus ludiques, incitant le public à les partager avec ses abonnés. Le tout, en maintenant un storytelling cohérent avec les valeurs de la marque et le territoire de marque qu’elle a bâti.

C’est notamment grâce à ce nouveau mécanisme publicitaire que s’est inventé de nouveaux métiers, dont le plus connu est celui de “community manager”, ou manager de communautés. Le community manager va donc être le chef d’orchestre de cet échange entre les marques et son public, en nouant un lien fort avec celui-ci.

La stratégie de communication du service de streaming Netflix est un excellent exemple de publicité à travers la discussion et la communauté. Ici, le compte Instagram de Netflix France créé un post ironisant sur les boutades classiques que nombre d’entre nous peuvent entendre lors des repas de famille, en reprenant une séquence de son film sorti le 24 décembre, “Don’t Look Up”. Une manière de faire la publicité de son nouveau film, tout en créant de la conversation entre les followers. Smart !

La publicité : enchantement, perpétuelle évolution et décadence

Ainsi se termine le storytelling de la publicité, de ses balbutiements d’après-guerre, à sa réinvention au début du 21ème siècle. Bien évidemment, les mutations à venir de notre société vont encore bousculer son histoire. Une chose est sûre, la publicité nous fera toujours autant rêver, créer, imaginer ou encore nourrir une envie de révolte et dépassement.

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Sources :

https://www.lesechos.fr/2010/08/bnp-votre-argent-les-interesse-1086965

https://www.strategies.fr/actualites/agences/4055485W/les-annees-70-la-publicite-se-professionnalise.html

LAMARRE, Guillaume, L’art du storytelling, Éditions Pyramid, 2018

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