« Arrête, tu m’agaces ! »
Il tire violemment la feuille chiffonnée et lui arrache des mains.
« Tu ne veux pas de mon aide ? Demande-t-elle poliment.
– Je n’ai jamais voulu de ton aide. D’ailleurs, je me demande ce que tu fais encore là. »
L’air est glacial. Emmitouflé dans sa doudoune épaisse, il gribouille fébrilement quelques mots. « Ça suffira », pense-t-il.
« Vraiment, je pense que tu devrais…
– Tais-toi ! »
Sa voix se casse et il se met à tousser bruyamment.
Le temps presse. Les mains jointes pour se réchauffer, il relit avec angoisse ces quelques mots écrits au stylo rouge. Il n’avait que ça sous la main. Le toit de fortune tremble et menace de s’écrouler. Il attend. Par la fenêtre, il peut entrevoir la file qui ne cesse de s’allonger depuis ce matin.
Et puis mince. Il se lève d’une traite, enfoui la feuille dans sa poche, la chiffonnant un peu plus, et empoigne le thermos posé sur la table.
« Regarde par là » dit-elle.
Il soupire lourdement, mais suit tout de même son regard. Son orgueil laisse place à la raison. Il met ce qu’elle lui a conseillé de prendre dans son sac à dos. Avant de fermer la porte, il parcourt la pièce d’un oeil mélancolique. Cette maison va lui manquer.
Ses bottes s’enfoncent dans la neige épaisse alors qu’il s’avance, seul, vers le poste frontière.